Histoire

Le Festival de Cannes: des paillettes et des films



Des stars, un tapis rouge, des films et des photographes, mardi, c’était le coup d’envoi d’un des plus prestigieux festivals de cinéma au monde, le Festival de Cannes. Au programme de cette cérémonie d’ouverture il y avait un film, Le Deuxième Acte, réalisé par Quentin Dupieux, la Palme d’or d’honneur de Meryl Streep et le fameux jury présidé par Greta Gerwig.

 

Mais au-delà des cérémonies et des tapis rouges, qu’est-ce qui se joue pour les films à Cannes ?

 

Le prestige !

 

Un film en compétition ou en sélection au Festival de Cannes se voit tamponner du label Cannes, un atout majeur et identifiable par tous, spectateur·ice·s et professionnel·le·s du secteur. Ce label a deux impacts, un, sur le film, et un autre sur la carrière de l’équipe dudit film primé.

Les festivals sont gages de qualité, une sorte de garant au regard de leur ligne éditoriale. Pour Cannes, c’est la crème du cinéma indépendant, l’élite des films dits « d’auteur » qui s’y voit projetée, et on le sait. Avoir un film labellisé Cannes, c’est plus qu’un garant pour les futurs spectateur·ice·s d’un film, c’est aussi un garant pour l’équipe en vue de leurs prochaines créations. Sur un CV, pour obtenir des financements, pour la promotion d’une prochaine œuvre, ce label sur un film antérieur peut se révéler particulièrement utile. Le Label Festival de Cannes, permet donc de vendre son film, le prochain, de rentrer dans un club select trié sur le volet dont les membres sont « dignes de confiance ».

 

 

Le baptême du feu !

 

En tant qu’évènement d’envergure, toute la presse internationale s’y précipite, spécialisée ou non. Une projection au festival de Cannes, c’est l’assurance d’un article sur la qualité ou la médiocrité d’un film.

En 1960, l’Aventura de Michelangelo Antonioni, film devenu culte dans la filmographie de son réalisateur, premier de sa célébrissime « tétralogie de l’incommunicabilité » au côté de La Note et de l’Eclipse, s’est brûlé les ailes à Cannes. Le film se fait siffler et huer après son avant-première. Il recevra tout de même le prix du jury et le soutien de 37 écrivains et artistes qui prendront sa défense après cette débâcle. Un autre exemple fameux est celui de Taxi Driver. En 1976, ce film d’anthologie s’est fait bruyamment malmener après sa projection par les critiques présents. Martin Scorsese, Harvey Keitel et Robert De Niro sont tellement touchés qu’ils se terrent dans leur hôtel. C’est donc Jodie Foster, du haut de ses 14 ans qui s’est sacrifiée pour aller affronter la presse. Martin Scorsese n’ira même pas chercher sa Palme d’or, c’est le producteur du film Michael Phillips qui s’y colle, sous les huées se souvient-il pour France 24. Mais si certains films, aujourd’hui cultes s’en sont relevés, d’autres, se sont vu littéralement détruits par la critique et ne s’en sont pas remis. C’est le cas de The Last Face de Sean Penn sélectionné pour la compétition officielle en 2016 dont Javier Bardem, un des acteurs principaux du film se souvient dans le magazine Première, comme d’un film littéralement « enterré par la critique » l’année de sa projection au festival.

La critique fait partie intégrante du festival, invitée de choix dont la plume acérée décide si un film est bon ou non, à tort ou à raison, influençant leurs fidèles lecteurs, et de ce fait, facilitant ou non le rayonnement d’un film.

 

Sous la surface, le Marché du film.

 

Sous terre, il se joue autre chose pour les films à Cannes, loin des yeux des spectateur·ice·s des caméras et des journaux, c’est le Marché du film.

Depuis 1979, le Marché du film est littéralement installé sous le festival, dans le sous-sol du Palais. Au Marché du film, on vend, on achète, on pitch et on réseaute autour des films (de tous les films sans distinction de genre). Bref, on fait affaire. Producteur·ice·s, distributeur·ic·s, vendeurs internationaux, représentant·e·s de festivals, institutions, financiers, s’y pressent. En 2024, c’est 14 000 professionnel·le·s qui y sont attendus de 140 pays différents. C’est là que les distributeur·ice·s et producteur·ice·s du monde entier s’échangent des droits sur les films. Et plus un film est populaire au festival, plus un producteur·ice peut le vendre cher. D’autres y errent stratégiquement en recherche de partenaires pour leurs prochains projets, de potentiels coproducteurs. Tous y prennent la température et s’informent des nouveautés à venir. Depuis 2019, le Marché du film de Cannes accueille des plateformes de streaming et de VOD. Des stands sont réservés aux innovations qui mettent en jeu la réalité virtuelle. Le Marché du film, c’est un moyen de rester dans le coup, voire d’avoir une longueur d’avance. Pour optimiser le nombre d’échanges, 200 évènements y sont prévus pour cette 77ème édition, du petit déjeuner de bienvenu aux conférences. Au Marché du film c’est donc la vie des films après Cannes et celle de potentiels futurs poulains de la croisette qui s’y joue loin des yeux des spectateur·ice·s.

 

 

 

© Shochiku Co., Ltd. – Rhapsodie en août d’Akira Kurosawa (1991) / Création graphique © Hartland Villa