Histoire

La grande saga du pop-corn (partie 1/3)



« Le pop-corn, comme le cinéma qu’il incarne, est une confiserie facile et une arnaque bien trop rentable pour disparaître » écrit Adrien Gombeaud dans son réquisitoire « Casse-toi pop-corn !» contre le maïs soufflé sucré ou salé dans le 601ème numéro de Positif en 2011. Il est temps alors de nous intéresser au sujet brûlant du pop-corn, d’où vient-il, que représente-t-il et les différentes résistances qui se dressent devant le règne du snack le plus populaire des salles obscures.

 

Les origines du pop-corn

 

Le pop-corn a fait couler beaucoup d’encre et notamment celle d’un chercheur, Andrew F. Smith qui en 1999 lui a dédié un livre intitulé Popped Culture : une histoire sociale du pop-corn aux Etats-Unis. Dans cet ouvrage, le chercheur revient sur l’histoire de cette super star des cinémas. Dans le premier chapitre, il expose comment le pop-corn participe à la construction du mythe de la nation américaine. En effet, il est très probable que l’histoire selon laquelle les amérindiens auraient offert du pop-corn à des pèlerins affamés pour Thanksgiving ait été créée de toute pièce autour des années 1880. Il nous explique ensuite que ce qui a d’abord fasciné était le maïs à pop-corn lui-même, étudié par les botanistes. Le maïs à pop-corn est une forme spécifique de maïs. En 1942 Edgar Anderson en suivant les travaux de son colocataire à Harvard, Paul Christoph Mangelsdorf, se lance dans une enquête sur le maïs. Mangelsdorf avait avancé que le maïs à pop-corn était la première espèce de maïs qu’avait consommé les civilisations précolombiennes et que, comme toutes les grandes découvertes, le maïs à pop-corn sous sa forme soufflée découlait d’une heureuse erreur. Sans preuve très scientifique, Edgar Anderson a affirmé par la suite que le maïs à pop-corn était en plus l’espèce première, la mère de toutes les autres. Cette affirmation a ensuite été rediscutée car la méthodologie et les preuves apportées était insuffisantes. Mais s’il n’a pas pu être prouvé que le maïs à pop-corn était la matrice des autres espèces de maïs, sa consommation par les peuples d’Amérique Latine ne fait plus grand doute.

 

Du pop-corn a été retrouvé dans des sépultures pré-Incas par Thomas H.Goodspeed, ainsi que dans des cimetières au Pérou. Pour continuer sur cette piste, Andrew F.Smith nous explique qu’un certain nombre de missionnaires font état en Amérique du Sud de consommation de pop-corn. Même si on sait que le pop-corn était consommé, sa place dans l’alimentation des civilisations sud-américaines de cette période reste inconnue. Et s’il faisait partie à part entière de l’alimentation en Amérique du Sud, il n’est pas possible d’affirmer que les amérindiens au nord se nourrissaient aussi de pop-corn.

 

Le pop-corn fait son entrée dans les pratiques culturelles américaine dans la seconde partie du XIXème siècle. Autour de 1840 Daniel Browne propose une recette de pop-corn salé ou sucré et des publicités promeuvent ce maïs magique qui « pope » (qui explose) durant la Guerre Civile américaine (1861-1865). Il se popularise, et devient ensuite source d’innovation, car faire du pop-corn demande de la technique et il faut inventer le « corn-Popper ». Charles Cretor présente donc en 1893 à l’Exposition Universelle de Chicago un stand roulant qui permet à la fois de faire rôtir des cacahuètes, et faire du pop-corn (il est encore considéré aujourd’hui comme un pionnier de la vente de pop-corn et sa famille est toujours propriétaire d’une importante entreprise qui met au point et vend toute la machinerie autour de la vente de nourriture dans les cinémas). Avec ces inventions, les vendeurs se multiplient dans la rue, les cirques, et les fêtes foraines. Le produit est très rentable et son coût permet à toutes les classes sociales d’en profiter.

 

Aujourd’hui en France, le spectacle si attrayant du pop-corn qui explose à l’image d’un feu d’artifice de maïs n’est plus. En effet, la logistique et les qualifications que cela requiert sont trop contraignantes. Il faut construire une cheminée afin de pouvoir évacuer la fumée produite par la machine, et la cuisson du maïs demande un certain temps. Les cinémas se fournissent donc majoritairement en pop-corn pré-préparé, déjà soufflé et assaisonné. Les bacs dans lesquels nous pouvons tous les admirer sont des machines qui ne font que réchauffer le produit sous une lumière qui fait ressortir son jaune doré ou son blanc tout en enrobant le hall de l’odeur si appétissante du maïs chaud.

 

© Novembre 1952, à Hollywood, l’acteur américain Keefe Brasselle et son épouse Norma, assistent à la première diffusion d’un film en 3D… (Murray Garrett / Getty Images)