La grande saga du pop-corn (partie 2/3)
Pop-corn is money
L’histoire d’amour entre le pop-corn et le cinéma n’était pas une évidence à première vue et le ciment de cette relation qui dure reste encore aujourd’hui l’argent.
Les propriétaires de salles étaient plutôt réticents à l’arrivée du pop-corn dans leur hall aux Etats-Unis. En effet, la machine émet de la fumée, les petites boules de maïs soufflé s’éparpillent dans les salles, laissant des trainées odorantes et salissantes. De plus, certains veulent conserver leur clientèle bourgeoise et le standing qui va avec, et refusent l’entrée de ce snack trop « populaire » dans leur sanctuaire. Mais le cinéma en plus d’être un art est une industrie et ça, les Américains l’ont bien compris. Voyant le profit que cela pouvait générer, les propriétaires de salles ont donc accepté de louer, dans un premier temps, l’espace extérieur devant leurs cinémas à des vendeurs ambulants. Ceux-ci vendaient alors du pop-corn aux spectateurs et aux passants tout en payant un loyer aux propriétaires de salles.
Durant la Grande Dépression aux Etats-Unis dans les années 30, le pop-corn est un des rares produits qui ne voit pas sa consommation décroître et les cinémas qui en vendent sont bien mieux portants que les autres. Andrew F. Smith dans une interview qu’il accorde au Smithean Magazine donne l’exemple d’une chaîne de cinémas la « Dallas movie theater chain » qui a fait installer des machines à pop-corn dans 80 cinémas et refuse d’en installer dans 4 autres que le gérant considérait d’un trop grand prestige pour pouvoir y vendre du pop-corn. Le propriétaire a pu alors constater des pertes dangereuses de profit dans les cinémas qui ne vendaient pas de pop-corn contrairement à ceux qui possédaient la machine magique.
Si aux Etats-Unis on mange du pop-corn au cinéma depuis presque 100 ans, il faudra attendre les années 90 et l’arrivée des multiplexes pour en apercevoir devant les écrans français. Et comme partout ailleurs, « pop-corn is money ».
Le pop-corn est devenu le champion des ventes et peu de grands multiplexes pourraient survivre uniquement grâce à la projection de films. Au moment du covid-19, le pop-corn a été en première ligne pour tenter de réduire les pertes dues à la fermeture des cinémas. Dès leur fermeture, des multiplexes à Kiev ont proposé des packs pop-corn sous la forme de livraison à domicile pour accompagner les spectateurs lors de leurs soirée films à domicile. Et le New Platz aux Etats-Unis a demandé une autorisation exceptionnelle pour pouvoir vendre son pop-corn devant le cinéma en attendant une réouverture.
Cette denrée si précieuse pour les gérants de salle a aussi été utilisée comme outil de pression pour des luttes au sein des chaînes de cinéma. En Nouvelle-Zélande en 2018, pendant ce que l’on a appelé la « pop-corn strike », les employés des Hoyst cinéma ont distribué gratuitement le pop-corn du cinéma pour demander une hausse de salaire, infligeant de ce fait des pertes à leurs employeurs. Cette lutte pour demander une augmentation s’est soldée par une victoire des employés. Le pop-corn est un symbole.
© Warner Bros. France