Histoire

Le Cinéma d’animation tchèque



Cet été, le nouveau Label+ Ciné Junior vous propose en avant-première le film Pat et Mat: un dernier tour de vis, dont les protagonistes Pat et Mat, sont des figures emblématiques de l’animation qui ont bercé nombre de petits Tchèques depuis leur première apparition télévisée en 1976. Il est donc temps cette semaine de nous intéresser au cinéma d’animation tchèque, fleuron de l’animation en Europe, qui a acquis une reconnaissance internationale durant son âge d’or de l’après-guerre aux années 70 et continue d’être présent dans des grands festivals spécialisés à l’image d’Annecy, ainsi que sur nos écrans de cinéma.

 

Petite histoire du cinéma d’animation tchèque : un cinéma expérimental sous surveillance

 

Au début du cinéma d’animation tchèque, il y avait la publicité. Hermína Týrlová et Karel Zeman, deux des plus grands animateurs tchèques ont fait leurs premières armes en participant à la production de publicités pour les chaussures anciennement Batà, renommée Gottwaldov en hommage au premier ministre après le putsch de 1948. La marque fait à ce moment-là appel à des artistes afin de réaliser ses vidéos promotionnelles. Ces artistes profitent des fonds qui leur sont alloués pour en faire un terrain d’expérimentation. L’entreprise des chaussures Batà crée en 1935 le grand studio d’animation de Zlín, concurrent du futur autre grand studio d’animation Bratři v triku, de Prague. En son sein naitront des films fondateurs de maîtres de l’animation comme Ferda la fourmi, tourné entre 1943 et 1944 par Hermína Týrlová qui est le premier film d’animation tchèque faisant usage de marionnettes, l’animation se faisant auparavant surtout en papier découpé.

 

 

Le 15 mars 1939, Hitler envahit la Tchécoslovaquie. Pendant cette occupation, il installe un studio à Prague dans le but de concurrencer l’animation de Walt Disney. Y sont employés des jeunes gens des Beaux-Arts dont les choix professionnels se limitent en cette période à travailler soit dans l’industrie de guerre, soit dans l’agriculture, soit dans l’animation. Cette expérience a participé à former des animateurs compétents qui continueront d’oeuvrer après la guerre et seront à l’initiative de la création du deuxième studio d’animation le plus important de l’histoire de l’animation tchèque Bratři v triku en 1945. A sa tête, on y retrouvera Jiří Trnka, un des plus célèbres animateurs tchèques, spécialisé dans l’animation de marionnettes auquel on doit notamment l’envoutant Songe d’une Nuit d’Eté (1959) ou le satirique L’Homme à ressorts et les SS (1946).

 

 

Et l’animation de marionnettes, il faut en parler. Il s’agit d’une des techniques signatures du cinéma d’animation tchèque à laquelle sont formés les plus grands cinéastes. Parmi eux, on compte évidemment Jiří Trnka qui en est spécialiste, mais aussi Jan Švankmajer, autre cinéaste central, qui a été formé à l’Académie des Beaux-Arts de Prague dans la section marionnette. Selon Michael Wellner Pospíšil, ancien directeur du centre culturel tchèque à Paris et cinéaste lors de la rencontre organisée autour du cinéma tchèque au Festival de La Rochelle en 2014, cette importance nationale de la marionnette résulte de deux choses. La première est qu’au XIXème siècle le théâtre était principalement en langue allemande (qui était la langue de l’administration) et le théâtre de marionnette se faisait lui en langue tchèque, dans la langue du pays. La seconde raison invoquée est celle de la place du théâtre de marionnettes à partir de 1948, moment de l’arrivée des communistes au pouvoir. L’art du théâtre de marionnettes est alors érigé et mis en valeur en tant que forme artistique anti-bourgeoise. Animer les marionnettes revêt donc une importance nationale qui prend racine dans l’histoire de la construction de l’identité tchèque.

 

 

Le cinéma d’animation, en plus d’être populaire sur son territoire, est reconnu dès ses débuts à l’international. Lors du premier festival de Cannes en 1946, deux réalisateurs d’animation tchèques sont récompensés. Jiří Trnka obtient le Grand Prix International du dessin animé avec son film Les Animaux et les Gens de Pétrov et Karel Zeman, aussi appelé le Méliès tchèque, connu pour ses expérimentations sur le verre, reçoit le prix du scénario avec le court métrage Rêve de Noël. Cette entrée remarquée sur la scène internationale va s’avérer être une protection pour ce cinéma dans un pays où règne la censure.

 

 

Dans les années 70, Jiří Trnka meurt et Karel Zeman manquent de fonds pour financer ces projets. Deux cinéastes se distinguent alors, Jiří Barta et Jan Švankmajer. Le premier œuvre pour la télévision au sein de la Krátký Film, la société de production étatique qui regroupe 4 studios d’animation parmi lesquels on retrouve le fameux Bratri V Triku. Le second, dont les films sont interdits, subsiste grâce à ses réalisations pour de grosses productions commerciales et à des financements étrangers suite à la renommée qu’il acquiert en remportant le Grand Prix à Annecy pour son film Possibilité du dialogue en 1982.

 

 

Malgré le contrôle exercé par le régime totalitaire communiste en Tchécoslovaquie, le cinéma d’animation se retrouve préservé pour deux raisons. Premièrement, parce que ce cinéma est produit avant tout à destination des enfants, et deuxièmement, sa reconnaissance à l’étranger avait le double avantage de participer à la fois à la construction d’un prestige national et d’attirer les devises occidentales. En 1989, le pouvoir communiste s’effondre. Cet évènement représente un tournant pour l’animation car avec la fin du monopole de l’État sur l’industrie, des financements disparaissent. De plus, les publicités et les bandes annonces remplacent progressivement les court-métrages au cinéma ce qui représente une perte importante de visibilité pour ce cinéma dont le format court est le format de prédilection. Cela a pour effet de restreindre la projection des films aux festivals.

 

 

La semaine prochaine, cap sur l’animation à la télévision tchèque! De Pat et Mat à La Petite Taupe, de l’écran de télévision à l’écran de cinéma, venez découvrir comment les films d’animation pour enfant de l’émission Večerníček ont participé à faire rayonner le cinéma Tchèque en France.

 

 

© Studio Kresleného a Loutkového Filmu